Revenu et travail d’un enseignant-chercheur
Illustration en cc-by-nc par point five
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Revenus du ménage
Comme expliqué dans l’article Revenu et logement, le niveau de vie de mon ménage comparé aux déciles de niveaux de vie en France suit la courbe suivante (les déciles de niveau de vie sont pour la France entière, ménages d’actifs et d’inactifs confondus).
En région Ile de France le revenu médian est plus élevé qu’en France d’à peu près 20%. Ce qui nous situerait dans la fourchette des 50%-40% des niveau de vie les plus bas dans cette région.
Durant la période 2010-2011, où nos revenus étaient meilleurs que maintenant nous n’avons pas désépargné (ni épargné). En moyenne, sur cette période, notre budget mensuel se répartissait comme suit.
Le budget alimentation couvre toute l’alimentation : courses, cantines, restaurants (y compris donc les extras alimentaires). Le budget hygiène etc. couvre également les biens d’équipement (életroménager etc.). Une partie du budget "périscolaire" est déduit des impèts.
Avec ce budget nous économisons sur les vacances en ne dépensant que 600 â,¬ dans l’année : on se débrouille en allant chez des amis, ou en camping ou en partageant un gîte. Nous économisons aussi sur les frais de véhicule, où nous ne réalisons aucun amortissement, en espérant que nous n’aurons pas besoin de racheter une voiture avant longtemps.
Ramené à une unité de consommation ce budget donnerait les valeurs suivantes (mais le poste alimentation devrait être revu à la baisse et celui du logement renforcé : le passage de quatre personnes â¤" 2,1 unités de consommation à une personne â¤" 1 UC ne se fait avec la même répartition budgétaire).
Parcours d’études et revenus d’un enseignant-chercheur
Je suis devenu apprenti enseignant-chercheur en commençant ma thèse en 1998, puis enseignant-chercheur sous contrat en 2002 (aters, chèmage, puis contrat court dans le privé) et j’ai été recruté sur un poste permanent à l’université Paris 13 en septembre 2005. J’ai enseigné à l’université depuis 1998 d’abord les mathématiques puis l’informatique et j’ai commencé à faire autre chose que du TD/TP et à avoir la responsabilité d’un cours en 2001.
Lorsque j’ai été recruté en 2005 mon salaire net mensuel était de 1966 euros (avant prélèvement de la mutuelle), indemnité de résidence et supplément familial inclus. Il faut y ajouter à peu près 100 euros par mois, puisque comme tous les enseignants chercheurs permanents je bénéficie d’une prime annuelle qui s’élevait à l’époque à 1194 euros. Ce salaire tenait compte de mon expérience passée dans le métier (représentée par le fait que je suis entré au deuxième échelon avec de l’ancienneté dans l’échelon) puisque j’étais payé à peu près 200 euros de plus qu’un maître de conférences débutant au premier échelon.
èté 2007, je suis passé au troisième échelon et j’ai bénéficié d’un augmentation substantielle du complément familial avec la naissance de mon deuxième enfant. Mon salaire est alors passé à 2377 euros prime annuelle comprise. Enfin en mai 2010, je suis passé au quatrième échelon et mon net mensuel plus la prime atteint 2669 euros par mois. Mon prochain passage d’échelon aura normalement lieu en mars 2013.
L’évolution salariale suit le point d’indice de la fonction publique et l’évolution dans l’ancienneté (les échelons). Le point d’indice ne suit pas l’évolution du coût de la vie, ce qui fait qu’à échelon égal le revenu des enseignants chercheurs comme des autres fonctionnaires s’érode.
En 2009 un rattrapage de carrière a été instauré pour les jeunes enseignants-chercheurs, car ce métier était devenu trop peu attractif financièrement parlant. Ce rattrapage permet aux jeunes recrutés d’entrer dans la carrière avec une ancienneté plus importante et donc à des échelons plus élevés. Ainsi un jeune recruté de 2009 avec le parcours qui était le mien en 2005 entrait directement au même niveau de salaire que celui que j’avais alors atteint et nos carrières progressent ensuite de manière similaire. Il n’y a pas eu inversion de carrière comme ça peut être le cas pour ce métier dans d’autres pays, mais effacement de quatre années d’ancienneté relative dans le poste.
À ces salaires nets d’enseignant-chercheurs s’ajoutent le paiement d’éventuelles heures supplémentaires d’enseignement et des primes de responsabilité pédagogique (plus souvent promises que versées). Mais ce n’est pas ce qui permet d’améliorer sérieusement son salaire.
Dans le même temps le salaire de ma compagne n’a guère évolué en restant aux alentours de 1100 à 1200 euros nets. Depuis septembre 2011 elle est en reprise d’études avec une allocation chèmage de environ 850 euros.
Notre capacité maximale d’effort sur un loyer ou un crédit était du tiers de notre revenu (un peu moins car il est difficile de faire valoir la prime annuelle d’enseignement et de recherche et le prélèvement à la source de la cotisation à la mutuelle). Dans les faits notre capacité à payer un loyer était estimée à 950 euros mensuels au moment de nous installer en région parisienne en 2005. À ce tarif là il était déjà difficile de trouver un logement de trois pièces dans Paris et actuellement notre capacité serait sans doute estimée à un loyer de au maximum 1150 euros sans changement notable d’ici 2013. Soit une augmentation de notre capacité de 21% en 6-7 ans (entre 2,77% et 3,24% annuels).
Le service d’un enseignant-chercheur
À quelques exceptions prêt, un service plein d’enseignement d’un enseignant chercheur est de 192 heures équivalent TD annuelles. Globalement l’enseignement est censé représenter la moitié de l’activité de l’enseignant-chercheur. converti en temps de travail, disons que ces 50% font 840 heures annuelles, ce qui nous ferait l’heure équivalent TD à 4,4 heures de travail effectif.
Les heures d’enseignement effectuées en sus des 192 heures de base sont payées 40,7 euros de l’heure équivalent TD. On est donc aux alentour de 9 ou 10 euros de l’heure de travail effectif. Et non il ne suffit pas de renoncer à 192 x 40,7 euros sur 12 mois, soit 651,2 euros par mois, pour pouvoir consacrer tout son temps à la recherche. Ce serait trop simple !
Il est utile de détailler ce que recouvre une heure équivalent TD de travail. Dans ma position, je m’estime heureux lorsqu’une heure équivalent TD me demande moins de 4,4 heures de travail effectif. Il m’arrive très rarement de descendre en dessous d’un facteur deux car même sans préparation il faut ajouter surveillances, corrections, soutenances, présence en jury. Là où je travaille aucune de ces tâches, pas plus que les tâches d’encadrement, ne font l’objet d’un paiement en heures équivalentes TD. Il m’arrive fréquemment de dépasser les 6 ou 7 heures de travail effectif par heure équivalent TD. Notamment parce que je suis responsable de cours avec de gros effectifs étudiants en licence (première et deuxième année) ou que les besoins d’enseignement en informatique évoluant rapidement il faut remonter de nouveaux cours fréquemment (sans compter le travail de veille technologique qui n’est pas couvert par la partie recherche de mon activité).
Un exemple de charge d’enseignement
Je suis responsable d’un cours de première année de licence qui consomme de l’ordre de 650 ou 700 heures équivalent TD d’enseignement en informatique, c’est à dire trois fois et demi un service plein d’enseignement. Ce cours est très classique est ne nécessite pas d’être mis à jour au grès de des évolutions technologiques mais c’est sans doute notre plus gros cours au département d’informatique. En 2009-2010, ce cours a compté pour 31 heures équivalent TD dans mon service et pour 27 heures dans le service du collègue permanent avec qui nous partagions le cours d’amphi. Tout le reste (600 heures) a été effectué par des non-permanents (essentiellement des doctorants) avec des degrés divers d’expérience de l’enseignement, qu’il fallait donc encadrer. En travail effectif, mon implication dans ce cours doit largement dépasser 310 heures (environ quatre mois de travail à mi-temps). Il y a un travail de direction pédagogique de l’ensemble (consignes hebdomadaires aux chargés de TD et TP, réponses à leurs messages, organisation des évaluations etc.). Et il faut aussi souvent intervenir sur des questions plus administratives (recrutement d’enseignants, problèmes de réservations de salles, collecte de notes etc.). Et pourtant nous avions effectué l’essentiel du travail de préparation pédagogique l’année précédente. En 2010-2011, j’ai augmenté mon implication dans ce cours jusqu’à 108 heures équivalent TD et j’ai pris en charge seul le cours d’amphi. J’estime à une soixantaine de journées de travail pleines ma charge de travail directe sur ce cours, qui nous ramène à peu près aux fameuses 4,4 heures. La leçon que j’en retiens est qu’il vaut beaucoup mieux faire le travail soi-même (en prenant un groupe de TD vacant en heures supplémentaires) que de gérer la distribution du travail. Par contre, pour arriver à ne pas avoir à gérer des recrutements de vacataires en dernière minute en tant qu’enseignant, j’ai du m’impliquer de manière importante dans la direction de mon département d’enseignement, ce qui a généré une charge significative de travail dont seule une petite partie est récompensée par des heures équivalent TD.